lundi 24 mars 2003

Le silence du blogueur



Un blog peut parler de deux manieres: soit a travers les messages qui y sont postés, soit a travers son silence. Les deux formes d'expression presentent chacun leur interet. Par une sorte de reflexe nercissique, je vais parfois visiter mon propre site, je me relis (surtout apres une reaction, de preference bonne), mais aussi je compte les jours depuis la derniere entree. Parfois avec le regard coupable du bloggeur qui voit le traffic de son site juste laché descendre en chute libre, parfois avec un regard auto-meprisant face a ce type avec des lunettes qui ouvre sa gueule pour dire tout et n'importe quoi.



Pourquoi est-ce que je me tais, apres tout ?



Est-ce l'effet d'une vie reelle soudainement plus active avec l'impulsion de Pourim ? Le blog ne serait alors qu'un revelateur de l'ennui de son auteur...



Sont-ce les mesures de protection face a la menace NBC ? Le blogueur israelien, apres avoir essaye son masque a gaz, apres s'etre acheté une combinaison integrale a 500 shekels, apres avoir plastifié les fenetres et la porte de sa chambre a coucher, continue sur sa lancee en plastifiant sa fenetre sur le monde internautique. Car il y a quelquechose d'obcene a parler de ca en details, a montrer des photos de cette deshumanisation, aussi tentant soit-il de faire parler de soi. Parce que le danger vient des courants d'air comme des courants d'information. Mieux vaut se taire, plastifier sa bouche, parfois.



Est-ce que c'est parce que des proches me lisent ? De la famille qui s'inquiete, donc pas la peine de faire du drame sur la situation en Israel. D'autres sensibilités sur d'autres sujets de mon intimité. Parfois je regrette de ne pas etre davantage anonyme. Libre a moi cela dit, un compte sur blogspot est si vite cree. Mais alors je renonce a tout ce que j'ai ecrit depuis deux mois. Oh c'est pas grand chose. J'y pense. En anglais ou en hebreu cette fois, parce qu'il est temps que j'arrete de passer ma vie virtuelle tourné vers la Mediterranee, que je commence un peu a renforcer mes liens avec ce pays que j'ai choisi. Et ca passe par la langue. Oui je vais le faire, anonyme cette fois. Ca a peut-etre deja commencé...



Est-ce que cette guerre, et le visage terrible qu'elle prend de jours en jours, me plonge dans un mutisme embarrassé ? Plus maintenant en tous cas. J'ai vu les images de Bagdad sous les bombes. Ici nous avons peur de recevoir des Scuds, on craint aussi les bombes venues du ciel, ca nous rend bizarrement sensibles au calvaire des Bagdadis. Un peu comme les images de Ramallah et des couvre-feu, enfin jusqu'a ce qu'un attentat infame vienne nous rappeler ce pourquoi nous nous battons. J'ai vu aussi les visages effrayés des boys capturés par les Irakiens. Une terreur indescriptible. On devine les commotions camouflees par un maquillage blanchâtre. Il m'a meme semblé que l'un d'eux s'etait fait arracher des dents. On ne sait pas ce qui leur est reservé. Les conventions de Geneve on n'y compte pas trop. Rien a voir en tous cas avec le soulagement qui se devine chez les prisonniers irakiens. Ces images m'inspirent un manicheisme immediat, independemment de l'equilibre ou pas des forces en action, independemment des debats interminables sur la responsabilité de tel ou tel. D'un cote on traite les prisonniers selon des conventions de Geneve, de l'autre cote on terrorise 4 hommes et une femme, on montre des corps en charpie habillés d'uniformes de Marines, et on tire dans le fleuve ou sont presumés tombés deux parachutistes alliés. Propagande ? Les images viennent des deux cotes, de la CNN imperialiste comme de l'Al-Jazeera islamiste, je peux donc me considerer comme une antenne assez objective pour savoir quel camp choisir.



J'ai pas la bonne chute pour conclure ce post. Sans doute parce que j'ai ce sentiment que les choses ne font que commencer...





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