vendredi 17 janvier 2003

Langage des signes



Nous devions nous marier. On avait reserve la salle, et on avait verse les arrhes. Mais ca s'est gate apres l'engagement. J'etais pas pret, et elle etait trop pressee. Je finissais par douter de tout. Et elle aussi. Ca ne devenait plus drole anymore. Notre relation tenait seulement a la peur d'etre seul. Toutes nos engueulades tournaient autour de la date, et meme l'annulation eut quelquechose a voir avec la date. Nous allions passer le cap des trois mois avant le mariage, ou l'engagement financier passe de 10% a 25% du prix final de la reception. Fallait decider et vite, avant le Jeudi soir.



Ce jeudi j'avais rendez-vous chez le dentiste, pour une extraction de dent. C'etait prevu depuis longtemps. Alors que j'etais allonge sur la chaise de torture, le dentiste, un russe, m'explique qu'a cause de l'infection il y a un risque de complication, un risque de trou avec le sinus. Du style je respire par le nez et ca sort par la bouche. Il m'explique qu'ils savent quoi faire dans ce cas, on comble avec de l'os synthetique, mais ca peut prendre plus de temps et d'effort. Il me pose alors une question bizarre. Il me demande si je suis "Chalem".



Chalem c'est un mot fantastique de la langue hebraique, qui n'a pas vraiment de traduction ni en francais ni en anglais. C'est de la meme racine que Chalom, ca veut dire "entier", "complet", "en paix avec soi", vous voyez le genre. On est "Chalem" ou pas avec une decision, un choix de vie.



Et voila donc que ce dentiste, que je ne connais pas vraiment, et dont c'est pourtant le metier et le gagne-pain d'arracher des dents, voila qu'il me demande si je suis en harmonie avec moi-meme en faisant arracher cette dent. C'est qu'il m'inquietait presque le type... C'est ce que je lui dis en lui demandant d'ou vient cette question. Il me repond qu'il ne la pose pas toujours mais la ca lui est venu. Je lui reponds alors qu'evidemment je suis chalem: parce qu si j'attends, ca va pourrir en dessous et le risque sera encore plus grand. Donc oui.



Bon tout s'est bien passe. Il s'est quand meme bien battu pour vaincre cette dent qui bien que moisie, etait bien accrochee et enracinee. Il m'a ensuite bouche le nez et demande d'expire par le nez, pas de filet d'air. Tout s'est bien passe. Nous avons decide d'annuler. Nous sommes allez voir la salle le lendemain, et nous avons signe, et nous avons renonce a 10% du prix de la reception, tout ca dans la dignite et avec le sourire.



Mais c'est pas ca le vrai sujet. Le sujet c'est la metaphore. Le meme jour, 3 mois avant mon mariage, je devais etre chalem avec deux decisions jumelles: arracher une dent et me separer de ma fiancee.



Sur le chemin du retour, le sac de glacon sur ma joue enflee, je realisais qu'on venait de m'envoyer un signe, dans la plus pure tradition des signes, certifiee conforme par Paul Coelho de l'Alchimiste ou le plus grand des rabbins. Et c'est aussi un defi a toute notion connue de la temporalite ou de la causalite. Ce jour etait une singularite, un point de croisement entre deux evenement apparemment independants. Il etait ecrit que je planifierai une date pour un mariage qui serait une erreur, que ma dent aurait une infection, et que les deux decisions coincideraient dans le temps. Nous ne controlons rien.



Comme pour confirmer l'authenticite du coup de pouce de D., et de D. lui-meme, nous avons recu un autre signe le lendemain. Quand nous etions sur la route pour la salle et l'annulation, nous etions un peu triste. Et la nous nous retrouvons coinces derriere la voiture d'un hassidique de Braslev, et sur le capot arriere de sa voiture il y avait un autocollant jaune, avec une tete rigolote de religieux a papillotes, et il etait ecrit en hebreu: "Souriez ! Tout est pour le mieux."



J'ecris ces mots alors que je me suis habitue au trou beant laisse par la dent, bien que cache au fond et que personne ne peut voir. J'ai apprivoise la separation. Mais la cicatrisation est terminee et je dois prendre rendez-vous pour un implant. Sinon il va y avoir des deformations. Il faut que je recontacte mon messager en blouse blanche. Il est temps de la remplacer.



(Pendant ce temps, alors qu'elle fait la vaissele, eduque les gosses et que lui paye les factures ou sort prendre une biere, Paula Cole est en train de se demander ou est son John Wayne, ou sont les happy endings, ou sont passes tous les cowboys.)



For her:

äééðå àîåøéí ìäúçúï. äæîðå àú äàåìí, åùìîðå ä÷ãîä. àáì æä äúãøãø àçøé ääúçééáåú. ìà äééúé îåëï, åäéä ãçïó ìä îãé. äèìúé ñô÷åú ìâáé äëì. åäéà âí. ìà äöçé÷ àåúðå éåúø. æåâéåúðå äçæé÷ îòîã ø÷ ìîòï ôçã ìäéåú ìáã. ëì äååéëåçéí ùìðå äúáññå ñáéáú äúàøéê, åáñåó âí äáéèåì äééúä ÷ùåøä ìúàøéê.

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