mardi 4 février 2003

C'est une soiree a theme, juste apres le Karate et un diner de Shabbat vegetarien avec une copine.

De la musique, des nanas, certes, mais un theme. Plus qu'un theme en fait: un but. Le but c'est la meditation AUM, un truc invente par un Indien (d'Inde). J'ai fait un voyage de deux heures a l'ombre et a la lumiere de mes sentiments extremes, j'ai decouvert combien certains m'etaient facilement accessibles, combien d'autres m'embarassaient, et surtout combien il est facile de provoquer artificiellement pour les rendre ensuite authentiques. Nous sommes des machines, des machines fantastiques aux mille secrets. Des machines sentimentales.



Il y a deux-cent personnes assises par terre dans la salle de danse de la Cinematheque de Tel-Aviv. 8 animateurs, 5 garcons et 3 filles, de 20 a 30 ans, environ. Je les ai pas trop ecoutes, omnibule par un string blanc qui depassait d'un jean rouge. J'etais plonge dans quelquechose, mais pas encore dans la soiree.



Il y aura 10 phases, de 12 minutes chacunes, en general un sentiment et son contraire, et entre chaque dualite contraire, 3 minutes d'exercice de respiration. Les 10 phases c'est: haine, amour, explosion d'energies positives, vidange d'energies negatives, folie, ego, pleur, rire, sexe, et AUM. Les animateurs nous montrent un exemple de chaque phase. J'avais pas bien compris a quoi je devais m'attendre (toujours ce string blanc qui me nargue).



Je vais detailler les 10 phases, ce qui rend ce message particulierement long. Les impatients peuvent aller directement a la partie sexe, mais je trouve que les autres sont plus interessantes par ecrit.



1- Le cri de la haine: vous detestez tout le monde. Vous criez votre haine, ca doit venir du ventre. Le hard-rock bat son plein. Tout le monde tourne en rond dans la salle, et attaque verbalement chaque personne dont il croise le regard gonfle de colere. Vous imaginez en face de vous la personne que vous detestez le plus, et si elle n'existe pas vous l'imaginez, vous imaginez que cet inconnu est la pour vous faire du mal. La salle est remplie d'ondes de haine. "Je te deteste !" entend-on, crie-t-on. J'ai decouvert que la haine a une couleur, elle est noire, elle pue, elle existe.



2- L'amour: sans transition, tout d'un coup on aime tout le monde. Sortez les violons, badigeonnez-vous de miel. Musique de harpe. Peu importent les stereotypes a l'eau de rose. Vous aimez cette personne en face de vous, vous aimez tout le monde. L'amour existe, independemment de la personne a qui on le decerne. Il est dans l'air. Il est en nous, pret a sortir, pret a donner. Vous donnez. Je t'aime - Je t'aime aussi, et vous vous serrez dans les bras, peu importe qui c'est, si c'est un mec, si c'est une personne antipathique. Tout ca n'existe pas, puisque vous l'aimez, comme vous aimez votre frere, votre soeur, vos parents, vos enfants, votre partenaire. Vous aimez l'univers, et aussi le Createur de tout ca.

Ca c'est la theorie. En verite, autant la haine c'etait facile, autant l'amour j'ai eu beaucoup de mal. Je ne peux pas aimer tout le monde, quand meme. On ne dit pas "je t'aime" comme ca, a n'importe qui. Meme si c'est en hebreu. Mon amour il vaut cher, il est reserve. Le dire comme ca c'est obcene. Ou alors j'ai tort, et alors ca veut dire que j'ai appris quelquechose. L'amour ne se quantifie pas, et il n'a pas de limite. A la prochaine seance, peut-etre...



3- L'energie positive: Apres les 3 minutes de profonde respiration pour se remettre de ce voyage aller-retour au pays de la haine et de l'amour, vous dansez. Vous agitez les bras en l'air. Vous lancez les genoux en l'air. Ca fait mal, vous etes fatigues ? Continuez, vous avez de l'energie a revendre. Vous etes pleins d'energie, et il y en aura pour tout le monde. Vous allez perdre ces kilos en trop, cette graisse qui vous entoure. Durcir vos muscles. Transpirer un bon coup pour que votre lave-linge s'ennuie moins. Ca marche. C'est sympa. Fatigant mais sympa.



4- Les energies negatives: Vous avez de l'energie a depenser, mais vous avez aussi des energies negatives dont il faut vous laver. C'est le moment. Techno Trip Hop Lourde. Sautillez sur place, les bras le long du corps. Agitez les mains, secouez les jambes. Il y a un liquide sombre qui se vide par vos mains et vos pieds. Vous agitez la poussiere, et ca se nettoie, tout seul. Vous imaginez cette marre puante qui vous entoure, va falloir passer l'eau pour virer tout ca. Mais vous vous en foutez, vous etes propres. C'est autour que c'est sale. Vous perdez des kilos, mais ces kilos-la ne se pesent pas. C'est votre esprit qui est plus leger soudain. A la fin on a encore des tremblements qui nous parcourent, des frissons, la peau a vif, comme un bebe qui vient de naitre.



Apres cette deuxieme dualite, l'energie positive vers le haut et l'energie negative vers le bas, on a droit a nos trois minutes de meditation respiratoire, bien meritees. Nous avons des choses positives a exprimer, et des choses negatives sont il faut se vider. Dans les deux cas c'est un travail, donc un art.



5- La folie: Dans chacun de nous, il y a un fou. C'est ce personnage turbulent auquel vous demandez de se taire, de s'assoir dans un coin de votre esprit, meme si il trepigne de sortir, mais vous ne voulez pas vous exclure de la societe. Voyez ce qui arrive aux autres qui laissent leur fou s'exprimer. Mais ce soir, pendant 12 minutes, vous avez le droit. Si tout le monde est fou, alors vous n'etes pas fou. On se tient par les mains par rondes de huit, pour eviter quand meme les coups, et puis on se lache, dans une musique cacophonique. Dans la salle ca fait "AAAAAHHHHHH LLLLLLL OOOOOOOOOHHHHHHHGGGGGGGAAAAAAAAAA", ou un truc comme ca. Les tetes se balancent d'avant en arriere, les langues pendent, ca bave presque. Il y a des gens qui ont lache leur ronde et qui se roulent par terre. Une femme tourne en rond, tient sa main par le poignet et lui parle. C'est tres facile de faire le fou, parce que nous sommes vraiment tous des fous, mais des fous brides. C'est une lutte entre le fou et l'ego, et le but du jeu est de faire perdre l'ego. On n'y arrive pas toujours. Moi j'ai fait tomber mes lunettes en agitant la tete, ensuite j'avais peur de les retrouver en morceaux. C'etait la deuxieme fois en une semaine que je faisais tomber mes lunettes dans une soiree, et que je les retrouve par miracle, vraiment par miracle. Comme si la realite etait trop difficile a voir, comme si je ne voulais pas voir. Cette fois elles etaient seulement tordues, et un verre est parti, que j'ai retrouve pas miracle aussi. L'Autre la-haut il fait pas les choses a moitie quand il s'agit de balancer des miracles. Bref, ca se retord dans l'autre sens, et faudra que je me procure une mini-vis. En tous cas cette petite peur m'a ramene tres vite a la realite. Je me suis dit qu'il fallait arreter de faire le con, je me suis adosse sur le mur, et j'ai regarde. Et la j'ai decouvert le visage de cette soiree vue de l'exterieur. J'etais dans un asile de fou. Voir des gens peter les plombs tous ensemble pendant qu'on est serieux dans son coin, ca met franchement mal a l'aise. A ce moment je vois que je n'ai pas le choix, c'est moi le fou ici. Sois je me casse, sois je rejoins les fous pour etre normal. Heureusement les 12 minutes touchaient a leur fin, on passait a la phase suivante.



6- L'ego: C'est l'inverse du precedent. Cette fois, tout d'un coup on est serieux. C'est l'ego, dans toute sa magnificience. On se recentre sur soi. On est serieux. On fait les gestes qu'il faut pour paraitre bien. Pas d'humour. Rap. Ca detend. Je suis persuade que je suis beau et parfait.



Respiration.

Nous sommes des acteurs.




7- Les pleurs: On s'assoit, replie sur soi, on pense a un truc triste et on pleure. J'ai pas trop reussi, pourtant j'avais quelques bonnes raisons. Ils auraient fait ca Samedi soir, apres la disparition de Columbia avec Ilan Ramon a son bord, c'aurait ete plus facile. Mais decidement non, pleurer c'est trop intime. C'est pas pour les autres, meme si ils sont tous en train de pleurer, pour de faux ou pour de vrai. Si, allez, une petite larme, la, que personne n'a vu. Une musique israelienne triste comme on sait si bien les faire.



8- Le rire: Tres difficile. Se forcer a rire au debut, pour que ca devienne authentique ensuite. On nous distribue des trompetes, des masques debiles. Les gens se chatouillent. Ca marche un peu quand meme. Au debut on rigole pour de faux, mais apres ca vient, un peu. Le rire est une substance auto-generatrice, communicative, contagieuse. Si il y en a un dans la salle qui arrive a rigoler pour de vrai, meme si c'est sur commande, ca fait sourire. Les autres en profitent aussi.

Mais bon ca m'a saoule. En puis je commencait a m'impatienter de la partie sexe.



Pas tout de suite les gars, d'abord on res-pire.

Le rire et les pleurs c'est pareil, c'est une jouissance.




9- Last but not least, le sexe. Bon on est reste habilles. Mais ca valait le coup quand meme. D'abord on danse avec nous meme, on reveille sa sensualite, sa sexualite, sa libido. J'ai vu des filles avec leurs mains entre les cuisses quand meme. Et on compte jusqu'a trois, et on se melange ! Bien savoir au prealable qu'il est autorise de refuser, gentillement, et qu'il ne faut pas s'offusquer. Cette possibilite est la regle principale pour que l'experience reussisse. Tres chaud, pourtant on ne se connait pas. Pas de bisous, et toujours habilles et debouts. Une danse c'est tout, enfin presque, ca depend. On se separe, on change de partenaire (je soupconne qu'ils aient fait durer plus que 12 minutes), et a la fin on est toujours des etrangers. Une recette imparable pour les timides, et une decouverte: il se PEUT que l'inconnue en face soit d'accord. Ah en aussi une retrouvaille de 5 minutes avec le string blanc sous le jean rouge. Il fallait ca, au moins.



Respiration. Nous sommes des obsedes sexuels. Mais ca on le savait deja, c'est surtout pour ca qu'on vient a ce genre de soiree.



10- Tous en rond, on se tient par les epaules, on regarde les bougies au milieu, et on dit OMMMMMMMMMMMMMMMAAAAAAAUUUUMMMMMMMMMOOOOOOMMMMMMMMMMAAAAUUUUOOOOOOOOM etc.

J'avais deja fait ca de maniere improvisee avec des copains a New York pour le jour de l'an 1999. Il y a quelquechose de special dans ce son, ce chant, c'est indeniable.



Soiree dansante ensuite. 200 etres humains entierement remis a neuf. L'ambiance est a son top, garantie jusqu'a 5 heures du matin, ou plus...



Jusqu'a ce jour, j'avais toujours pris soin de me tenir a l'ecart de ce genre de trucs. Je la regardais faire son yoga, je la laissais aller seule aux seances de meditation, je regardais de loin les assemblees silencieuses sur la plage de Tel-Aviv. Un trip tres spirituel et aussi tres israelien auquel j'etais reste etranger.

Je me suis ouvert ce soir.

Ils sont pas cons ces Hindous (ou Indiens, je sais jamais comment on dit).

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