jeudi 11 septembre 2003

Avraham Burg, et moi



J'ai decouvert via Proche-Orient.info l'article-scandale qu'Avraham Burg a publie dans le Yediot Aharonot. On y retrouve toute la rhetorique de gauche la plus virulente. Un discours digne d'Uri Avnery qu'on se surprend a retrouver dans la bouche d'un travailliste, c'est a dire du meme parti que Ehud Barak, Shimon Peres ou meme Itzhak Rabin - benie soit sa memoire.



J'ai la flemme d'en faire le resume, alors je me contente de l'introduction de PO.info:



Intitulé « La révolution sioniste est morte », ce pamphlet fait un portrait dévastateur d'Israël « Etat chauvin et cruel? de spoliateurs et de colons », diffame Ariel Sharon, et annonce avec dégoût « la ruine du sionisme et de ses valeurs par ses démolisseurs muets, aveugles et démunis de toute sensibilité. »



Pas etonnant que le Monde en bon charognard se soit jete sur cet article pour le faire traduire et elever en Une du torchon. C'est avec un peu de honte que je vous y redirige.



Ce qui dans cet article est derangeant, problematique, et donc interessant, c'est en fait la personnalite de Burg. Ou plutot la combination de sa kippa, de sa carte d'identite, de sa carte de parti, et de son discours. Autant de traits dont les stereotypes associes sont contradictoires: religieux, sioniste, politiquement dans la gauche moderee, et semantiquement TRES a gauche. Autant de cartes d'acces a la majorite des ramifications de la societe israelienne.

Il n'est pas un gauchiste honteux de sa culture et adepte de la nagation de soi, il n'est pas un travailliste timide a la langue de bois, il n'est pas un religieux hermetique a la pensee, il n'est pas un sioniste fanatique. Il est un peu tout ca, et donc rien de tout ca.



Ce texte serait venu d'un non-Juif, ou d'un Juif de diaspora, ou d'une brebis galeuse d'Israel, je l'aurais draganddroppe dans la recyclebin. C'est ethnique. Mais venant d'Abraham Burg, ca m'interesse, et j'ecoute, et ca me touche.



L'aspect politique de l'article d'abord: il joue la carte du radicalisme, comme un electro-choc pour reanimer une gauche plongee dans un coma en phase terminale depuis la raclee d'Amram Mitzna. Une sorte de va-tout. J'ai aussi l'impression que la virulence de son article, voire sa violence, le propulse au rang de candidat au leadership. Qu'on soit d'accord ou pas avec lui. A la guerre comme a la guerre, il est normal qu'il fasse peu de cas de son potentiel rival Ariel Sharon, quitte a le trainer dans la boue des affaires de ses fistons, quitte a dresser un portrait accablant de son passe, de son bilan, et de sa rhetorique.



La forme de l'article est poignante, sincere. Abraham Burg a peur pour Israel, et il pleure pour les Palestiniens. Il se penche avec lucidite sur l'equation entre le fantasme du Grand Israel de la mer au Jourdain, et le reve de l'etat juif et democratique. Et il n'y arrive pas. Elle est selon lui insoluble. Et cette pensee est partagee par beaucoup de gens ici, a droite comme a gauche, plus ou moins pres de D., independemment des origines. Par moi aussi.



En gros, vaguement, je suis d'accord avec ses propositions. Il leur faut un pays, il faut des frontieres officielles, et il faut qu'Israel soit un modele pour autre chose que l'armement, l'agriculture, la linguistique, et les methodes de securite. Il faut qu'Israel soit un modele d'espoir et de lumiere, un carburant spirituel pour l'humanite, un exemple brillant d'equilibre social a travers l'allegorie que le peuple Juif represente pour le peuple Humain.



Je ne partage pas sa compassion pour les Palestiniens. Je considere que nos voisins sont en mesure d'assumer leur formidable capacite a l'auto-destruction. En renoncant a toute notion de pragmatisme, ils ont su se diriger de maniere certaine vers leurs routes caillouteuses. Ils ont la vie qu'ils meritent, celle qu'ils ont souhaitee consciemment ou pas, comme tout peuple qui doit savoir prendre ses responsabilites. Comme nous.



Et il y a un element que Avraham Burg oublie de mentionner dans son article. C'est le prix a payer pour la Terreur. Les terroristes ni ne doivent rester impuni, ni ne doivent se prevaloir d'une quelconque retribution pour le peuple au nom duquel ils agissent. Et ce n'est pas une question de Justice. Mais une question de prevention, de garantie securitaire pour les societes, de valeur donnee a la vie, d'intransigeance face aux adorateurs de la mort. Cette loi d'intransigeance anti-terroriste est a la fois essentielle et genante pour le reglement du conflit. Israel n'a pas d'autre choix que de prendre des mesures repressive apres chaque attentat. Un attentat terroriste n'est pas une brimade, mais un renoncement de l'humain et de la vie. Ce n'est plus "detruire l'autre", mais "se detruire soi pour detruire l'autre". C'est la fin de l'espoir que l'ennemi aussi aime ses enfants, selon les mots de Sting. Ca devient un combat epique inevitable entre la vie et la mort, soit on l'accepte, soit on disparait.



Enfin, il n'est plus raisonnable de parler de paix avec les Palestiniens tant qu'Arafat est sur scene. Il aura fallu 10 ans pour le comprendre et perdre toute naivete a ce sujet. Parce que Arafat represente une autre perversion, a cote de celle du martyr: il falsifie la paix. Tandis que ses proteges usent de leur propre mort pour semer la mort, il use de la paix pour deguiser la guerre. Il est rigoureusement impossible d'avoir un partenaire de negociation tant que ce vieillard tire les ficelles. Abou Mazen vient d'en faire l'amere experience, et le nouveau Abou Alaa ne survit que par son statut de poupee du Rais.

L'absence de Saddam Hussein a mis une nouvelle donne au Moyen Orient, une donne qui n'a pas encore fait toutes ses preuves, mais une donne nouvelle. L'extraction d'Arafat aura le meme effet pour le Proche-Orient. Parce que les israeliens ont rencontre assez de personnalites palestiniennes interessantes ces dix dernieres annes, pour montrer qu'il y a maintenant une alternative.



Cette alternative a Arafat, et cette determination a deraciner la terreur islamistes, ce sont les principaux ingredients qui permettront de se dedier entierement au reve d'Avraham Burg.





Aucun commentaire: