mardi 7 octobre 2003

Insomnie d'un homme pur

Pur parce que venant de terminer le Kippour. Pur devant le seul Etre au monde en mesure de me juger comme tel. Cette annee j'ai prie avec une certaine ardeur, peut-etre parce que chaque annee depuis mon alyah je m'emerveille davantage devant des prieres dont je comprends le sens. Mon corps se balancait de maniere incontrolee dans le transe des demandes de pardon, dans la comptabilite d'une ame dont la resonnance faisait vibrer mon corps autour du hertz. Mes pensees ont voyage bien au dela des murs effrites de la petite synagogue de la rue du Prophete Jonas. Des pensees rythmees par l'enumeration de tous les peches possibles, des peches pour la plupart relatifs a la maniere dont on peut heurter son prochain, des peches parmi lesquels mon taux de reussite est assez accablant. Il fallait que je comprenne l'hebreu pour m'en rendre compte.



Je devrais me coucher l'esprit leger, et pourtant il est 3 heure du matin et je n'ai pas encore trouve le sommeil. Raison inconnue. Un cafe trop fort, ou trop de cafes, ou trop de chocolat, Lumiere m'avait prevenu que j'etais en train de remplir mon corps de trop de sucres, j'aurais peut-etre du l'ecouter.



Ma maison est endormie, je ne peux meme pas allumer l'ordinateur de peur de reveiller ceux qui dorment sur mon canape. Je n'ai meme plus de cigarettes en reserve pou compter sur l'effet narcotique de la nicotine. Je suis legerement horny mais il n'y a autour de moi que sommeil. Mes paupieres sont grandes ouvertes, sans aucun poids pour peser sur elles. Je retrouve au balcon le meme silence que celui qui a majestueusement regne sur la ville durant la journee sainte. J'attaque Villa Vortex, ou je retrouve un Maurice Dantec encore plus illumine, ca demarre sur un constat de fin d'un monde au lendemain du onze septembre deux-mille un. Il n'a pas reussi a m'endormir. Je ne peux de toutes facons pas rester en place. Je mets un pantalon, prends le velo, achete une vingtaine de Marlboro Light, fume la premiere tout en filant sur la promenade. Les avions continuent a atterir, toujours ce regard inquiet en le voyant survoler nos tours jumelles a nous. Je vois un chat tout blanc, puis un chat noir avec une tache blanche. Comme un vague reve dont j'essairai de me souvenir demain au reveil. Je trouve ce cyber-cafe insomniaque a l'angle de la rue Ben Yehuda et de la rue de la Paix Sur Vous. L'hotesse m'a propose un cafe. N'importe quoi. Hors de question, je recherche l'inverse absolu de la cafeine.



Je suis frustre de cette insomnie en cette nuit la plus pure. J'ai beacucoup dormi pendant Kippour, j'ai beaucoup reve aussi, malheureusement je ne me souviens plus de mes reves. Je sais que c'etait lie a Kippour, au jeun surtout. Mais je ne retrouve pas assez de details pour avoir quelquechose ma raconter. Les reves de Kippour sont connus pour etre les plus importants, on dit que les barrieres entre les vivants et les morts tombent ce jour-la. Le rabbin nous expliquait meme que le but de Kippour etait de se rapprocher du statut d'ange: on ne mange pas, on ne boit pas, on ne travaille pas, on ne consacre son corps a aucune activite productive. On s'habille en blanc. On se contente de lire, de marcher, de respirer, de parler, de prier. C'est vrai qu'a la synagogue, entoure de fideles se balancant comme moi enveloppes dans leur chale de priere, j'avais l'impression d'etre entoure d'une confrerie d'anges. La maniere tres sepharade qu'avait l'officiant de prier sans articuler les mots accentuait cette impression de reve, d'au dela.



Ce texte sans queue ni tete se fait long et ennuyeux, et je ne suis toujours pas fatigue.



Les prieres ont demande beaucoup de choses a D. Chaque priere etait ponctuee par un "Amen" plus ou moins fort de la part de l'assemblee. Quelques demandes particulieres semblaient meriter un Amen plus fort:

Les demandes de "parnassa", le revenu qui apporte le bien-etre minimal;

Demande de vengeance, comme un echo a l'actualite;

Demande de paix, et de calme, comme une contradiction avec la demande de justice ci-avant.



J'arrete la. Je regarde le velo accroche au poteau, personne ne l'a encore vole. Il me reste 27 minutes sur mon temps au Cybercafe. Toujours pas de marchand de sable a l'horizon.

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