mercredi 19 octobre 2011

Les Lezards

J'ai le souvenir de la serie culte "V". Une lutte impitoyable entre deux civilisations. Dans le premier episode, le "pilote", il y eut cette scene ou Donovan, un des premiers resistants, monte de force sur la scene ou le porte parole des Visiteurs fait un de ses discours complaisants: le heros attrappe l'orateur par derriere et lui arrache un pan de peau de la joue, pour reveler au monde que ces gens ne sont pas comme nous. Ils appartiennent a une autre espece, qui plus est reptile. Ces quelques écailles verdâtres sont la pour prouver que ces soit-disant amis extra-terrestres ne sont pas humains, et que vraisemblablement ils ne partagent ni nos valeurs, ni notre empathie intra-espèce, soit que la vie humaine n'a pas plus d'importance que celle d'une souris. Plus tard, pour confirmer cette révélation, on verra des centaines d'humains enfermes dans des capsules, dans une grande salle qui s'avere etre un garde-manger.

Ce sentiment, je l'ai ressenti aujourd'hui en voyant les images du soldat israelien Gilad Shalit, libere des mains du Hamas en echange de centaines de prisonniers palestiniens. Comme presque tous les israeliens, et comme une poignee d'hommes libres dans le monde, j'etais submerge de sentiments contradictoires.

D'un cote l'emotion pour ce garcon qui serre son pere dans ses bras pour la premiere fois en 5 ans, qui fait le salut militaire au Premier Ministre, et qui arbore son sourire timide et sincere a une foule en delire venue l'acceuillir dans son village natal. Oui, la vie d'un homme n'a pas de prix, surtout quand il est innocent et victime d'un des pires supplices qui existe: l'emprisonnement et l'isolement total pendant plusieurs annees.

D'un autre cote, la haine. La haine pour ces prisonniers coupables des meurtres les plus atroces, et que l'on aurait du tuer plutot que de les laisser faire partie d'un echange insupportable. Il faut en citer quelques un:

  • le type qui criait sa joie, montrant fierement ses mains ensanglantees du sang des soldats lynches a Ramallah en 2001 a l'aube de l'intifada. 
  • cette femme qui seduisit un jeune israelien par Internet, pour le mener vers un guet-apens ou des Arabes le mitrailleront; les gardiens de prison raconterent comment elle leur mima les supplications du jeune homme avant de mourir. 
  • Cette autre femme qui accompagna celui qui se fit exploser a la pizzeria Sbarro et tua 15 personnes. Elle expliquera a maintes reprises qu'elle est fiere de son geste.
  • Cet autre terroriste qui la cour supreme jugea "inapte a la vie en societe, au regard de la cruaute de son crime et de l'absence totale de regrets"
  • Et cet autre, qui fonca sur un arret de bus avec son camion et tua 8 soldates qui rentraient a la maison.
Ces specimens sont partie de la premiere moitie de l'echange. On n'ose imaginer les surprises de l'autre moitie. Ce sont des psychopathes, qui ont ete acceuillis triomphalement par une foule en delire a Gaza et aussi a Ramallah, aux couleurs du Hamas. Le Hamas qui promet d'autres attentats et d'autres enlevements de soldats. Les Arabes ont pour heros des psychopathes sanguinaires. 
Rajouter a cela cette journaliste egyptienne qui aura eu la delicatesse de retarder le retour de Gilad pour une interview exclusive, avec des questions stupides et oppressantes a un garcon affaibli, chetif et febrile. Le pire, c'est que cette femme est consideree comme une heroine en Egypte, pour avoir demissionne aux debuts de la revolution de la Place Tahrir, par opposition au pouvoir et pour rejoindre les manifestants. C'est la creme de la creme egyptienne, avec des beaux habits et un bel anglais. C'est le meilleur qu'un pays comme l'Egypte puisse produire...

Quand je vois tout ca, ma correction  politique explose en morceaux. Je n'arrive pas a me defaire de l'idee qu'il s'agit d'une autre espece, une espece differente de la notre. Je ne vois pas d'appartenance commune au genre humain. Soit ils sont humains et nous sommes des anges, soit nous sommes des humains et ce sont des Lezards. Des reptiles dont nous venons encore une fois de voir les ecailles, en direct. 
 

mardi 9 août 2011

brelans

Il y a aujourd'hui comme une ambiance de 9 Av...

Hier dans la même journée, trois histoires de mort tragique, des histoires individuelles mais non moins déchirantes.

  1. Un enfant de 3 ans a été oublié dans un bus scolaire, a Natanya. 80 degrés Celsius pendant plusieurs heures. L'enfant a été decouvert par le chauffeur négligeant quand il venait préparer son bus pour ramasser les enfants du gan, en fin d’après-midi. Apres ces quelques faits, le travail de l'imagination devient une souffrance...
  2. Une célébrité de la radio, Adi Talmor, s'est fait euthanasier en Suisse apres un cancer du poumon en phase terminale. Il avait caché sa maladie à tout son entourage, jusqu'au dernier jour. Il avait pris sa décision entièrement seul, dans le silence. Il était connu du public, pour sa voix pittoresque qui nous lit le concentré horaire de news à Galei Tsahal, la radio de l’armée israélienne. Là aussi, imaginer son processus psychologique est insupportable. Puis on se lance, en interne, dans le débat nauséeux sur le choix de la mort. Je parlais de Houellebecq il y a quelques posts; dans son dernier livre, le personnage principal défonce à coups d'uppercuts dans le plexus la directrice d'un centre suisse d'euthanasie qui a tué son père. 
  3. Un collègue nous a raconté qu'une grande tante à lui s'est donnée la mort en sautant par la fenêtre. C’était dans la banlieue de Haifa. Elle était déséquilibrée mentalement, et le cousin qui vivait avec elle pour la surveiller n'a rien vu. Il a découvert le corps en bas de l’immeuble a 8h du matin, alors que l'heure de la mort est évaluée a 4h du matin. 4 heures de silence, pendant laquelle une personne est partie à l'insu du monde qu'elle a quitté. 
Je crois que c'est le point commun  entre ces trois histoires: le silence invivable.

Cette veille du 9 av, teintée d'histoires atroces, a été précédée d'une avant-veille teintée, elle, de macro-tremblements. La aussi, un brelan d'histoires:
  1. Peut-être la plus grande manifestation de l'histoire de l'Etat d'Israel. 250000 personnes a Tel-Aviv. Ca voudrait dire deux millions et demi de personnes a Paris. Quelques concerts inutiles, pas assez de bordel, mais une seule voix: on veut la justice sociale. J’étais trop occupé à donner le biberon à mon petit Roy pour venir. Mais je me joins au peuple dans le putsch contre Bibi, pour placer ma chere Sheli Ichimovitch à sa place. Je suis en train de me gauchiser; je tremble avec le reste du peuple...
  2. La terre a tremblé au large de Benyamina. Une petite frappe, 4,2. Mais l'epicentre n'est pas habituel. Un tremblement au sens propre.
  3. Et enfin la Bourse de Tel-Aviv a plus que tremblé. 6% dans la gueule. Et ce salaud de yen qui s'envole encore, entraînant ma dette immobiliere vers l'infini+. Mais tout ce qui m'importe ces temps-ci, c'est que le dollar ne s'effondre pas. Pas maintenant. 
  4. Ce n'est pas tout: Londres est aussi le fruit d’émeutes. Des jeunes... Ca fait 2 jours, et ca continue encore aujourd'hui 9 av. 

La maison tremble en ce 9 av, des gens sont morts de façon tragique, Mais il y a toujours l'espoir d'un nouvel Israël  une nouvelle maison, un nouveau monde après le chaos.

lundi 1 août 2011

Vent de révolte...

Cela faisait des années que je reprochais à mon pays de ne pas assez donner dans la lutte sociale. Il y a en Israël comme un cynisme ambiant, ou l'on accepte les excès des politiques, et les insuffisances du système, parce que "c'est comme çà, que veux-tu y faire ?". Une manière de fuir la réalité par une pirouette intello, avec ce besoin permanent de paraître inaffecté par la situation. Une pudeur émotionnelle très liée à une forme de machisme. 

J'insiste sur ces éléments psychologiques parce que c'est justement ce qui est en train de changer avec ce mouvement. Ce ne sont pas seulement les politiques et autres magnats au pouvoir qui sont raillés, mais aussi les cyniques. Il faut savoir que cette classe moyenne qui manifeste actuellement s'est faite remarquer par son absentéisme aux dernières élections, justement par ce même cynisme désabusé. Maintenant ils s'en mordent les doigts parce que Netanyahou, qu'ils veulent voir partir, est soutenu par une forte coalition à la Knesset. Cette classe moyenne n'est pas représentée par l’exécutif et le législatif, c'est de sa faute, et elle essaie maintenant de donner de la voix via l'anarchie des manifs.

Il n'en reste pas moins que l'enthousiasme est général autour de ce mouvement. C'est la psychologie d’Israël qui est en train de changer, en regardant davantage sa propre société que ses frontières. 

Tout comme Israël est l'objet des éléments du moyen orient, il est aussi assujetti aux vents de révolte...